War Never Changes…
Il pleuvait ce jour-là. Ou bien étaient-ce des larmes qui perlaient sur ma joue ? Je ne sais pas, je ne sais plus… Je me souviens seulement de ce que j’ai fait, de ce que j’ai pensé, de comment j’ai hurlé intérieurement. On enterrait un combattant, un ami, un frère, celui qui m’avait sauvé la vie sous les balles de l’ennemi. J’avais envie de leur dire le fond de ma pensée en plus de tout le bien que je pensais de lui, mais je ne pouvais pas. J’étais paralysé. Paralysé par l’idée de bafouer sa mémoire, de bouleverser leur quotidien et l’image qu’ils avaient de nous. Mais ça leur aurait fait du bien, sans aucun doute…
À quoi pensaient-ils, alors que le cercueil descendait ? Il faudrait le leur demander, mais ça devrait osciller entre la tristesse de perdre un proche et la fierté de le voir partir au combat, en héros, et pas en lâche. Je ne peux guère leur en vouloir. Après tout, c’est pour ça qu’on était partis, pour arranger les choses. On pensait libérer un pays, revenir en héros, et reprendre une vie normale comme s’il ne s’était rien passé. Ah, ça, l’armée sait vendre son image pour recruter, entre les salaires, les débouchés, les codes visuels du jeu vidéo… Mais la réalité, elle, a tendance à venir frapper par derrière quand on ne s’y attend plus.
La fleur est vite descendue du fusil, je peux vous le dire. L’Enfer n’est rien à côté de ce qui a pu être vu sur les champs de bataille. Partout, les cadavres poussaient littéralement, la haine et la tristesse se déversaient dans chaque rue, et nous, on faisait ce qu’on pouvait pour limiter les dégâts, alors que tout ça nous corrompait de plus en plus…
Les belles idées de départ ? Lentement oubliées et proprement exécutées quand on a nous a fait comprendre que le pouvoir actuel resterait en place, au mépris de toute loi et de toute humanité… On allait bien vite apprendre que la reddition avait été obtenue en échange de ce maintien, avec l’exploitation du sol en bonus…
Mais dans la rue, ça se battait. Le peuple exigeait la justice, et on ne pouvait pas le lâcher. Alors, on tirait. Tant qu’on n’avait pas pour ordre de se barrer, on tirait. Et c’est comme ça que mon frère d’armes s’est fait descendre…
On pensait se battre pour une cause, on l’a juste fait pour enrichir des marchands d’armes étrangers et des industriels en vrac…
Que va-t-il rester de tout ça ? Un pays en ruines et qui est une poudrière prête à éclater à nouveau, des noms sur des monuments et quelques gerbes de fleurs, des esprits brisés, et du fric par paquet chez les industriels, les seuls à vraiment profiter de ce qui est la nature même de l’être humain, à savoir se foutre sur la gueule, et tant pis pour les causes. Après tout, elles ne sont que des mots qui filent dans l’air, pas des billets qui filent dans les poches…
Un immense gâchis, une paix artificielle, une vaste mascarade… La guerre ne change jamais, et ne change rien. Comme le dit un célèbre personnage, y a pas de héros dans une guerre. Les héros meurent ou finissent en taule. Il avait raison, je l’ai constaté, et on les oublie avec leurs idéaux et leurs causes, les seules raisons de se battre… Si seulement on le faisait autrement qu’au fusil. L’expression des idiots et des suicidaires. Après tout, l’armée n’est pas réputée pour son intelligence…
Connerie d’Humanité.
Medal of Honor : Warfighter
Développeur
Danger Close
Genre
FPS/Guerre
Supports
PS3/XBox 360/PC
Date de sortie
25 octobre 2012
PEGI
18+
Synopsis
Le groupe terroriste Abu Sayyef, mené par un homme appelé l’Ecclésiastique, est responsable de divers attentats à travers le monde. Aux côté d’une unité d’élite du Tier 1, c’est à vous que revient le devoir de neutraliser l’Ecclésiastique.
Avis
Autant j’ai bien voulu être gentil avec le précédent (reboot, nouveau contexte, développeur qui cherchait évidemment de nouvelles marques, surtout avec un 3e nom, historique des Medal of Honor en faveur du studio, surtout après le très bon et assez original Medal of Honor Airborne, tout ça aidant à être clément), autant là, ça a bien du mal à passer.
Sérieusement, le précédent était critiquable, mais il faisait bien son boulot d’immersion, le scénario se tenait et n’était pas ouvertement pro-US (avec même un début de critique de la place des officiers), et il n’avait pas encore pour vocation d’en mettre ouvertement plein la vue, malgré quelques scènes épiques tout de même.
Ici, on a, heu… En fait, je ne sais pas trop moi-même comment définir ça…
Ah si, ça y est. Un copier/coller de Call of Duty. En plus beau. Voilà, ça résume tout, c’est un Call of Duty avec un moteur graphique au goût du jour. Entre la jaquette qui met l’accent sur le multi et l’absence quasi totale d’efforts sur la campagne solo, difficile de ne pas voir que le jeu est là surtout pour tenter de faire déserter les serveurs des Call of Duty.
Mais comme je me contrefous du multi et qu’il n’est pour moi qu’une valeur ajoutée et pas le cœur du jeu (autant jouer à un MMO, si on veut se centrer là-dessus), restons sur la campagne solo. Je n’ai d’ailleurs pas mis le pied sur les serveurs multi, de toute façon (absence d’envie et absence de Online Pass pour cause d’achat d’occasion).
Alors, qu’avons-nous sur cette campagne solo au-delà d’un moteur graphique bien exploité ?
Hé bah, heu… Pas grand chose, en fait. Commençons par ce qui est bien.
- Des opérations inspirées de faits réels
- Des tentatives de varier le gameplay qui font du bien (mention aux niveaux en voiture, sans doute les plus marquants du jeu)
- Une IA qui reproduit bien les mouvements réels des unités spéciales
- Un assaut final qui tranche avec le reste du jeu et où la violence devient très dérangeante
- Une mission à travers les yeux d’un terroriste…
Et maintenant, le moins bien.
- …qui est hélas la seule, EA n’a pas eu le cran d’aller plus loin, et qui est le didacticiel
- Des efforts de gameplay qui ne cachent pas la pauvreté de l’ensemble
- Un scénario écrit avec les pieds, incompréhensible sur les deux premiers tiers du jeu, et juste prétexte, disons-le, à casser du terroriste (comprenez : de l’Arabe, comme vous l’aurez deviné au synopsis, je pense)
- Des évènements scriptés et des séquences d’explosions apocalyptiques en rafale (dès le prologue, on se retrouve en plein dans une explosion qui rase facilement tout le port où se déroule la mission…) qui tentent tant bien que mal de cacher le vide du scénario
- Un patriotisme US exacerbé, notamment après la fin du jeu, qui n’est pas loin d’être à vomir
Bref, qu’on cherche un FPS ou un bon jeu de guerre, ce MoH Warfighter n’est pas plus recommandable qu’un Call of Duty. Vous en viendrez à bout parce que ça se joue bien et que ça sait être efficace, mais je doute qu’il ressorte après, à moins d’être accro au multi…
Et comme ce n’est pas mon cas…
Heureusement, on a eu Spec Ops : The Line avant, qui a su élever le niveau de la vision de la guerre dans le jeu vidéo.
Spec Ops : The Line
Développeur
Yager
Genre
Action
Supports
PS3/XBox 360/PC
D’après Au Cœur des Ténèbres, de Joseph Conrad
Date de sortie
29 juin 2012
PEGI
18+
Synopsis
Dubaï a été ensevelie sous les tempêtes de sable. Une unité de l’armée américaine, le 33e d’infanterie, commandée par le colonel John Konrad, a désobéi aux ordres de retrait et tenté de sauver les civils. Depuis, plus aucune nouvelle de Konrad ou du 33e… Jusqu’à ce message radio demandant une aide d’urgence et émanant du colonel…
Le capitaine Martin Walker, de la Delta Force, accompagné du lieutenant Adams et du sergent Lugo, est envoyé à Dubaï pour faire la lumière sur ce message. Une simple mission de reconnaissance et de sauvetage…
Avis
Putain de merde, quelle baffe ! J’ai plié le solo en 4H30… Et encore, une seule des quatre fins possibles. Et pourtant, je ne pense pas une seule seconde à aller dire que c’est du foutage de gueule, comme je le ferais pour d’autres. Je ne peux tout simplement pas le dire, tant ces 4H30 ont condensé d’éléments marquants et épiques, tant on avance incroyablement fort dans le vrai visage de la guerre.
Ceci est la parfaite antithèse de Call of Duty et de tout autre FPS bourrin plus ou moins pro-US. Pas de complaisance, pas de patriotisme déplacé. Tout comme dans Shellshock Nam’ 67, la violence est crue, sale, moche, et la guerre est juste quelque chose de complètement dingue et aberrant. Bref, une parfaite compréhension du roman de Conrad. Si vous voulez une comparaison, pensez donc à sa plus célèbre adaptation : Apocalypse Now. Bon, ça y est, vous visualisez ce que ça donne ? Bah, c’est ça, Spec Ops. Et là, j’ai déjà perdu tous les accros des jeux cités plus haut, parce que ça risque de s’annoncer trop ambitieux pour eux.
Bon, après tout, tant pis pour eux, qu’ils restent à leur propagande qui fait juste « pan pan boum boum » sans aucun fond ni intérêt, hein, et restons donc sur ce qui apparaît comme un chef-d’œuvre. Le début est classique. On vous présente votre trio, ça rappelle les ordres, à savoir reconnaissance et sauvetage, on part pour une mission de routine pour la Delta entre deux blagues de Lugo… Bref, rien de bien original. Et on attaque donc là-dessus.
Déjà, ce qui vous frappera, ce sera la direction artistique, juste sublime et assez onirique, entre une belle modélisation et certains effets de style. En plus, c’est tout coloré, chaleureux, un véritable contraste entre le visuel et ce qui vous attend, ainsi qu’un autre avec pas mal de productions actuelles, qui font dans le gris et le sombre. Ensuite, vous aurez l’ambiance. Une véritable ambiance de fin du monde qui se dégage des environnements, entre les cadavres, les véhicules sur place, les bâtiments détruits, etc… En fait, dès le début, vous vous demandez « mais bordel, qu’est-ce qui s’est passé ici ? ». Et il en ira ainsi au fil de votre avancée. Mais avant de parler de ça, abordons le gameplay.
Ce sera vite fait, hein, rien de bien original ni difficile, c’est la jouabilité classique de tout jeu d’action qui se respecte. On porte deux armes et des grenades, on avance, on se planque, on tire, on recommence jusqu’à finir les chapitres un à un. On peut également marquer des ennemis comme prioritaires pour que Lugo et Adams les éliminent eux-mêmes, au cas où le joueur serait trop occupé avec d’autres, ou si l’ennemi est trop loin/trop bien caché…
Au final, on est en terrain connu si on a déjà touché à du jeu d’action, et on prend très vite ses marques.
Là où Spec Ops va vous mettre au sol, c’est donc par l’ambiance et le traitement du scénario.
Un traitement qui va vous faire passer du « Allons sauver gaiement quelques civils et frères d’armes ! » à « Bordel, dans quoi on a mis les pieds ? », pour finir par « Tout ça n’aurait pas dû arriver… Mais qu’est-ce qu’on a fait ? ». Vous êtes prévenus, quiconque s’attaque à ce jeu voit la guerre sous son vrai visage, loin du film d’action où les gentils Américains sauvent le monde des vils communistes/terroristes/criminels/emmerdeurs/boulet (rayez les mentions inutiles). Ce sera dur et sale, un voyage au cœur de la folie humaine, au cœur des ténèbres que l’être humain a en lui, et vos choix auront un véritable impact, autant immédiat qu’à long terme…
Vous n’en sortirez pas indemne, croyez-moi, et pas mal de scènes vont vous prendre aux tripes et vous surprendre. Trois pauvres gars paumés dans une situation qui les dépasse, perdus entre leur devoir et leurs émotions, qui vont remettre en cause tout ce en quoi ils croient, jusqu’à un final surprenant qui laisse tout voir sous un autre jour…
Spec Ops : The Line va encore plus loin que ShellShock, et s’impose rapidement comme le parfait équivalent vidéoludique de Apocalypse Now. Un brûlot provocateur sur la guerre et le rôle du soldat, qui montre bien la folie des affrontements armés et des extrémités auxquels ils mènent.
Prêt à prendre la baffe de votre vie et à découvrir l’horreur de la guerre en face, soldat ?
Si vous ne devez retenir qu’un seul jeu de guerre sur cette génération, c’est celui-ci, sans aucun doute. Et si l’expérience est courte, elle n’en est pas moins intense. Vous pouvez toujours la prolonger un peu à travers le multijoueur, qui est un multi tout ce qu’il y a de plus classique, et bien pensé comme une extension au jeu de base, et non comme le centre du jeu. Et ça, c’est bien.
Bref, un chef-d’œuvre digne des plus grands films de guerre, comme Shellshock en son temps. Une grande œuvre à faire, donc.
Rambo
Casting :
Sylvester Stallone, Richard Crenna, Brian Dennehy, Bill McKinney, David Caruso…
Date de sortie :
2 mars 1983
Durée :
1H30
Genre :
Action
D’après Rambo First Blood, de David Morrell
Synopsis :
John Rambo, ancien béret vert et héros de la Guerre du Viêt Nam, erre sans but de ville en ville depuis son retour aux États-Unis. En voulant rendre visite au dernier de ses anciens compagnons d’armes, il apprend la mort de celui-ci des suites d’un cancer (causé par l’« agent orange » largement utilisé au Viêt Nam). Reprenant la route, il arrive dans une petite ville d’une région montagneuse afin de s’y restaurer. Mais le Shérif Will Teasle, prétextant ne pas vouloir de « vagabond dans sa ville », le raccompagne à la sortie de la ville. Ulcéré, Rambo tente de faire demi-tour, mais il est alors arrêté sans ménagement par le shérif. Jeté en prison et maltraité par les policiers, Rambo se révolte et s’enfuit du commissariat. Après une dangereuse course-poursuite, il se réfugie dans les bois.
Avis :
Comme il est regrettable que l’image de grosse brute pro reaganienne de Rambo se soit diffusée et soit restée alors qu’elle n’est valable que pour les épisodes 2 et 3… Car ce n’est pas ce qui est développé dans ce premier épisode.
Petit rappel historique.
Nous sommes en 1982 (année de production et de sortie originale du film), et la guerre du Viêt Nam est terminée depuis maintenant sept ans. En 1975, le pays s’est réunifié, la guerre s’est achevée, et les Américains sont repartis la queue entre les jambes. Il y aurait beaucoup à dire sur cette défaite dans la société américaine, mais Rambo s’intéresse à un aspect précis : le retour des vétérans au pays.
Beaucoup de ceux qui ont eu la chance de revenir sont revenus brisés, physiquement ou psychologiquement, voire les deux. On pourrait s’attendre à ce qu’ils soient au moins accueillis en hommes, en soldats qui ont donné beaucoup pour la patrie, mais même pas. Non, on les accueillis avec de la méfiance, du mépris, voire de la haine ouverte.
Pourquoi, demandez-vous ? Parce qu’ils ont perdu la guerre, tout simplement. La première guerre perdue par les États-Unis depuis leur naissance, ça marque le pays (d’autant qu’il y a bien des facteurs qui expliquent pourquoi, mais passons, ce n’est pas le propos).
Il leur fallait un bouc émissaire, quelqu’un à désigner pour prendre la responsabilité de ce fiasco. Et ce furent donc les vétérans, ceux qui se battaient en première ligne, et qui ont été, une fois revenus, lâchés par leur gouvernement et même parle pays tout entier. Ils étaient devenus des parias, des traces à effacer de cette sale guerre…
Rambo, c’est une démonstration par l’exagération de cet état de fait et de ce que ressentent alors ces vétérans face à ce pays qui les renie. John Rambo devient ici l’incarnation des sentiments de tous ces camarades, pendant que Teasle règne sur « sa » ville et y applique les mêmes pratiques envers lui que le gouvernement et le pays envers toute l’armée. Rambo ne demandait rien de bien méchant.
Il voulait juste revoir un ami, malheureusement décédé entre temps, et repartir le lendemain. Et on le traite en vagabond, en paria, on le harcèle jusqu’à l’enfermer. Il finit évidemment par faire la seule chose qu’il sache faire. Il va se battre pour survivre et affirmer sa dignité, affirmer qu’il est un être humain comme les autres. Comment s’étonner de voir quelqu’un réagir en bête traquée quand on le considère comme tel ?
Rambo, à travers sa fuite dans les bois, devient un porte-parole de ces soldats qui luttent, eux aussi, pour rester dignes pendant que leur propre pays les traîne dans la boue. Un pays qu’ils aiment et respectent malgré tout, comme le montre Rambo qui refuse de tuer qui que ce soit (un seul mort dans ce premier film, et ce n’était même pas voulu par Rambo, qui s’en voudra tout du long).
Bien sûr, le traitement est celui d’un film d’action, mais ça va donc bien plus loin que ça, au contraire des deux films suivants. Le monologue final de Rambo résume tout.
Ce film, c’est une réponse au mépris du gouvernement et des Américains, un crachat au visage du Président, un « Merde ! » taggé à l’encre indélébile sur la façade de la Maison Blanche, un doigt d’honneur au pays tout entier. Et l’expression de toute la colère et la frustration de ceux qui ont laissé une part d’eux-mêmes au Viêt Nam, au service du pays face au « péril communiste »…
Ted Kotcheff offre au sujet un traitement pas particulièrement marquant, mais très efficace, préférant laisser le fond parler de lui-même. Quant au trio Stallone/Crenna/Dennehy, ils sont tous les trois parfaits, notamment Stallone, littéralement habité par son rôle comme il le fut pour Rocky six ans plus tôt.
Le fond est parfait, et on ne s’ennuie pas une seconde. Un film bien plus profond et politique qu’il n’y paraît, qui reste aussi un très bon spectacle d’action, action qui sert l’histoire et non l’inverse.
C’est un film qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie. Surtout si on reste sur l’image reaganiste de Rambo forgée par deux suites dispensables… Le quatrième épisode vient heureusement le réhabiliter quand même, sans pour autant atteindre la force du premier film, la faute à un rythme trop rapide et une action trop débridée. Mais il retrouve un peu du fond de ce premier film et conclut bien l’histoire de John Rambo, et ça suffit à en faire un bon film, supérieur aux 2 et 3.
Bref, Rambo, c’est tout ça, bien loin de l’image la plus connue, et ça vaut largement le coup d’œil.